[Portrait] Entretien avec Cécile Coudriou, enseignante en communication à l’USPN et membre du Bureau exécutif international d’Amnesty International

Camille Le Menn – Publié le 07 décembre 2022

À l’université Sorbonne Paris Nord, nous avons la chance d’avoir parmi nos enseignants l’une des membres du Bureau exécutif international d’Amnesty International, Cécile Coudriou. Une femme inspirante, qui nous a donné l’opportunité d’en apprendre plus sur ce mouvement mondial de défense des droits humains, sur son parcours au sein de l’ONG, sur ses moments marquants mais aussi son secret pour réussir à vivre cette « vie de dingue”, comme elle le dit.
Voici son témoignage…

Depuis quand êtes-vous engagée auprès d’Amnesty International ? Et comment êtes-vous devenue présidente d’Amnesty France ? 
Après être longtemps restée simple sympathisante, je suis devenue membre d’Amnesty International France en 2001, avec l’envie de lutter pour le respect des droits humains et contre les injustices. Assez rapidement, et sans pour autant le rechercher, j’ai accepté de prendre des responsabilités locales, puis régionales, qui m’ont amenée à devenir membre du Conseil national, une instance qui réunit justement tous les responsables régionaux de France. C’est là que j’ai rencontré l’équipe dirigeante bénévole qui m’a convaincue de me porter candidate au Conseil d’administration. J’ai été élue et j’y suis restée d’abord 4 ans entre 2010 et 2014 puis, après deux ans d’interruption, j’ai de nouveau été élue et j’ai été d’abord Vice-présidente puis présidente de janvier 2018 à juin 2022. Je pense que je dois mon élection à mon profil très militant, très « terrain », à ma bonne connaissance d’Amnesty International France, du mouvement à l’échelle internationale. Et bien sûr, une bonne connaissance des droits humains est aussi particulièrement importante puisque la présidente d’Amnesty International France en est aussi la porte-parole principale.

Comment vous êtes-vous entraînée pour préparer vos différentes interventions dans les médias et est-ce un critère pour devenir présidente ? 
Oui, je suppose que les personnes qui élisent quelqu’un à la présidence prennent en compte son aisance à l’oral et sa force de conviction. Par ailleurs, j’ai pris cette mission de porte-parole tellement au sérieux que j’ai choisi de suivre une formation professionnelle, un media training. Car apprendre sur le tas, c’est déjà bien, mais j’avais bien conscience qu’être enseignante, et en communication de surcroît, ne signifiait pas forcément que je serais à l’aise et performante dans le jeu médiatique. Ce n’est pas la même chose qu’enseigner, cela suppose d’autres techniques et il important de les acquérir avec quelqu’un dont c’est le métier. 

 
Pouvez-vous nous raconter une expérience qui vous a particulièrement marquée quand vous étiez Présidente chez Amnesty ?
La première chose qui me vient toujours à l’esprit c’est le rapport à l’humain. C’est une caractéristique de notre mouvement d’être fondé sur le principe de solidarité internationale et de se battre pour des personnes dont les droits humains sont bafoués. Ces personnes ont un visage, un nom, une histoire, et c’est toujours une immense joie lorsqu’on réussit à faire libérer quelqu’un grâce à notre mobilisation internationale, nos pétitions et notre travail de plaidoyer auprès des autorités. Récemment, je suis allée accueillir à l’aéroport, avec d’autres militants, un prisonnier d’opinion enfin libéré : Ramy Shaath, citoyen égypto-palestinien défenseur des droits humains tout à fait pacifique, mais dans son pays l’Égypte, il avait été accusé de diffuser des fausses nouvelles contre le gouvernement et d’être en lien avec des organisations terroristes, un grand classique pour discréditer quelqu’un qui veut défendre les droits humains. Il était en prison depuis deux ans et demi sans aucune raison valable. Voir cette personne arriver à l’aéroport et se jeter dans les bras de sa femme, c’est une émotion vraiment intense, une joie indescriptible. 

La deuxième chose qui me vient à l’esprit, ce sont des rencontres parfois très officielles mais qui ont aussi une charge émotionnelle. C’est très impressionnant mais très agréable aussi, car on se sentir utile quand on porte les messages d’Amnesty dans des ambassades ou même jusqu’à l’Élysée. J’ai un souvenir vivace par exemple d’un déjeuner avec Emmanuel Macron en présence d’une dizaine d’autres associations. Et donc, ce sont des grands moments lors desquels on peut défendre la parole d’Amnesty devant la plus haute autorité en France, c’est un moment très fort. 


Vous êtes allée à l’Élysée et vous avez rencontré physiquement Emmanuel Macron ?
Plusieurs fois, notamment pour un déjeuner dans les jardins de l’Élysée, avec le chien du président à côté de moi, c’était assez surréaliste ! Ce sont des moments forts dont on se souvient longtemps !

Et le troisième exemple que je donnerai, c’est quand on obtient des victoires en faisant avancer le droit, par exemple en obtenant l’abolition de la peine de mort dans un pays, ou lorsque le Traité sur le commerce des armes a été adopté à l’ONU, en 2013. C’était vraiment un très long combat pour s’attaquer à l’une des racines des maux les plus terribles au monde, ces conflits armés qui font tant de victimes civiles, en raison d’un contrôle insuffisant des ventes d’armes.

Merci d’avoir partagé avec nous ces grands moments, qui sont vraiment impressionnants.
Vous avez un très fort engagement bénévole pour Amnesty, comment faites-vous pour concilier cette activité avec celle d’enseignante à l’Université Sorbonne Paris Nord ? 
En premier lieu, il y a un point commun entre mes deux activités, c’est la passion avec laquelle je les mène. La passion et l’enthousiasme qui font que, même avec une vie qu’on pourrait qualifier d’intense, voire une « vie de dingue », on se sent porté par quelque chose de plus grand que soi. Je suis extrêmement investie de cette mission, elle fait partie intégrante de ma vie.

 Par ailleurs, je suis extrêmement organisée. Par exemple, je prépare toujours mes cours pendant l’été. Cela permet une sorte de paix mentale puisque pendant l’année universitaire, je n’ai plus à me demander quel cours je vais faire le lendemain.

Le troisième élément est plus personnel : il n’y a pas de tension dans ma vie personnelle à cause de mon engagement, car je suis mariée à une personne qui est également très militante et me soutient énormément, alors que cela peut être un problème dans d’autres couples. Je tenais à le mentionner, car indéniablement, je n’aurais pas pu faire tout cela sans avoir été autant soutenue dans mon couple.

Et le dernier élément, et j’en remercie le président de l’université, ainsi que le précédent d’ailleurs, c’est que j’ai pu bénéficier d’une décharge d’une partie de mes enseignements. Cela aussi m’a permis d’être un peu plus sereine dans la préparation de toutes mes activités, variées et tout à fait passionnantes mais aussi très chronophages et sources de stress, à cause des responsabilités que cela entraine. 

Vous avez récemment quitté la présidence d’Amnesty France pour rejoindre le bureau exécutif international d’Amnesty. Quel engagement imaginez-vous garder au sein de l’organisation ? 
Il est certain que je n’imagine pas ma vie sans Amnesty International et sans mon engagement pour les droits humains. Le nouveau défi, une sorte de conclusion logique à mon engagement, a été de proposer ma candidature au Bureau exécutif international. Mais j’y ai finalement moins de travail qu’avec la présidence d’Amnesty France, car je n’ai plus à prendre constamment la parole dans les médias ni de rendez-vous institutionnels, ce sont plutôt les salariés qui le font, au niveau international.

Je continuerai aussi mes activités avec Amnesty à l’université car j’aime beaucoup être en contact avec les jeunes, « passer le flambeau » et être témoin de leur engagement, organiser des événements avec eux, innover avec eux. J’aime beaucoup le fait que dans notre université, encore parfois malheureusement stigmatisée car en banlieue, je puisse être au contact de cette diversité, tout à fait positive et enrichissante selon moi, et être témoin de tout l’engagement que l’on peut attendre de cette jeunesse. 

Justement, qu’est-ce que les étudiants, et plus généralement les jeunes, peuvent faire pour s’engager auprès d’Amnesty ? 
On peut s’engager de manière individuelle, notamment sur les réseaux sociaux, en signant des pétitions, en relayant des informations et en participant à des événements physiques ou en ligne. Mais l’action collective, c’est encore mieux, et on peut aussi rejoindre une Antennes-jeunes d’Amnesty dans une université ou un lycée. L’avantage, c’est qu’il y a un équilibre entre le fait d’avoir un cadre, du matériel fourni, et le fait que les jeunes gardent l’initiative et peuvent relayer les campagnes comme ils le souhaitent. Les talents des uns et des autres vont être mis au service de cette belle cause qu’est la défense des droits humains.  Par exemple, dans votre classe, des personnes se sont portées volontaires pour créer des affiches, des messages à diffuser sur les réseaux sociaux comme Instagram par exemple…

S’engager auprès d’Amnesty, c’est aussi apprendre plein de choses : prendre la parole en public, mener des interviews, rédiger des articles pour notre blog, valoriser nos actions avec des photos, des vidéos, et donc faire du montage également. Il y a plein d’activités possibles, soit très axées sur la communication, soit aussi bien sûr sur le fond, car les étudiants sont aussi très curieux d’apprendre et d’échanger sur les enjeux géopolitiques, sur les lois et systèmes dans certains pays ou régions du monde. Cela peut aussi devenir assez exigeant, mais on peut toujours s’engager à différents niveaux, en fonction du temps dont on dispose. 

En fait, il faut surtout être une personne plutôt fiable et bien organisée, qui veut se battre pour d’autres personnes dont les droits sont bafoués et même si on n’est pas un expert en droit international, ou de la situation en Afghanistan, cela n’empêche pas de s’y intéresser et de faire passer des messages autour de soi. 

Donc, tout étudiant peut décider de son propre engagement : cela peut aller d’une pétition qu’on va signer soi-même à la pétition qu’on va faire signer à d’autres, ou de la simple participation à l’organisation d’un événement…Il y a toute une palette d’actions à mener, et ensuite, cela peut vous amener à avoir envie de prendre des responsabilités au sein d’Amnesty et pourquoi pas en devenir le président ou la présidente un jour ! 

Vous êtes étudiant·es et vous souhaitez rejoindre l’Antenne-Jeunes Amnesty International à l’Université Sorbonne Paris Nord, c’est par ici !


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