Les mots avant l’image, campagne d’hiver 2020 des Restos du Cœur

Aménis Khaldi-Legriel / Publié le 29 janvier 2021 à 11h27

Aménis Khaldi-Legriel est étudiante en deuxième année du master CEIPA. Plus que les entreprises et les institutions publiques, ce sont les associations et leur communication qui l’intéresse. Une appétence qui nous permet aujourd’hui de découvrir une analyse sur la campagne d’hiver des Restos du Coeur.

D’autres articles sont disponibles sur son blog dédié à la communication associative : https://www.ameniskhaldilegriel.com/blog

Une histoire qui impacte la stratégie de communication

Depuis 36 ans, les campagnes des Restos du Cœur ont toujours une caractéristique singulière. Elles déplorent sans cesse le besoin de devoir encore agir. Ce positionnement de mobilisation, mais aussi de lassitude, face à la misère grandissante en France est bien sûr lié au contexte de création de l’association. 

C’est en septembre 1985 que l’humoriste Coluche fonde les Restos du Cœur : « J’ai une petite idée comme ça… Un resto qui aurait comme ambition, au départ, de distribuer deux ou trois mille couverts par jour ». Initialement prévue pour quelques hivers, l’association est encore bel et bien présente 36 ans après. Les milliers de repas sont maintenant des millions. 

L’action de l’association se poursuit car le besoin est plus présent que jamais présent. Ce contexte global, lié à l’identité de l’organisation mais aussi à la crise sanitaire a un impact sur sa communication.

Un spot TV reprenant le ton de l’association

Depuis le 24 novembre, Les Restos du Cœur ont donc lancé leur 36e campagne. Leur action sur le terrain a débuté et plusieurs éléments communicationnels ont été relayés. On remarque tout d’abord un spot publicitaire diffusé à la télévision. Celui-ci met en scène des bénévoles qui devant l’absence de bénéficiaires s’ennuient terriblement. Une voix off décrit alors que cette situation, l’association en rêve, mais que « en réalité on a toujours besoin de nous, c’est pourquoi plus que jamais, on compte sur vous ». Le point de distribution se remplit alors soudainement, démontrant le nombre incroyable de personnes dans le besoin.

Une fois encore, l’association utilise un ton bien à elle, pointant du doigt l’impossibilité de venir à bout de ses objectifs, car la misère grandit chaque hiver. 

Mais ce n’est pas le spot publicitaire qui nous intéresse le plus. En effet, la campagne se décline également avec des affiches. Relayées en print ou sur le web, celles-ci ont une particularité : elles ne possèdent pas d’image, mais uniquement des mots.

Les mots avant l’image

Les Restos du Cœur ont fait un choix fort : supprimer totalement l’image qui peut attrister ou faire sourire afin de se concentrer sur les mots, leur sens et leur puissance :

  • «Le monde d’après, on l’aurait imaginé avec moins de pauvres qu’avant»
  • «Quand notre resto tourne bien c’est que la situation tourne mal»
  • «Dommage que le resto qui marche le mieux pendant la crise ce soit le nôtre»

Ces phrases constituent les trois volets de la campagne de communication. Elles concentrent en elles de nombreux termes intéressants. On relève tout d’abord des références à la situation sanitaire actuelle : « le monde d’après », « pendant la crise »… des formules très utilisées qui gravitent autour du covid. Les Restos du Cœur induisent également la situation dramatique des restaurants fermés et leur exprime alors du soutien.

D’autres références sont aussi notables, celles qui se lient à l’histoire et à l’identité de l’association. « On l’aurait imaginé avec moins de pauvres qu’avant », « Dommage », « la situation tourne mal », sont autant de formules qui rappellent le ton de la communication des Restos du Cœur : nous sommes là pour aider, mais nous aimerions que les gens n’aient pas besoin de notre action.

Finalement, les textes sont polysémiques. Ils portent en eux plusieurs références, perçues de manières différentes et complémentaires par le public. Cette réflexion sur le sens des mots, sur les signes qui portent en eux, n’est possible que grâce à la place qui leur est accordée par la campagne. Quand l’image disparaît, les mots prennent ainsi en puissance et en cohérence.

Mais on le sait bien, la communication associative s’inspire beaucoup de la communication des entreprises. Cette stratégie n’est donc pas nouvelle, et a été utilisée et ré utilisée. On peut citer notamment la publicité de Burger King début novembre qui invitait à « commander chez Mcdo ». Au-delà du message de solidarité qui était exprimé, on souligne la présentation du discours, qui éclipse là encore l’image. Intermarché avait suivi quelques jours plus tard avec un énorme « Désolé Amazon », écrit noir sur blanc… Et si la publicité revenait simplement à ses basiques ?

Aménis Khaldi-Legriel 


Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer
search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close